Exposition Mose

MoseImages imaginaires.

Septembre 1999

Nous vivons. Les yeux fermés. Mose écorche nos paupières cillées. D’un coup de rasoir surgit l’insolite. L’hypothèse… Et si ça se passait comme ça? … Quelle ironie!
Le dessin de Mose fait tomber nos chaines. Il trafique de la matière et de la vie, du monde, de notre temps. Il nous avertit en douceur, de ce qui peut arriver. Ses terreurs sont de bonnes compositions, ses prophéties, d’un ange de lumière.
Il ne fait pas le fier. Il est bien élevé, gentleman dans la révolte, anti-pharisaïque : il n’est pas vertueux.
Généreux, spermatique… à tous les souffles.
Comme un sourire au-delà des nuages.

Jean-Maris Auzias

Mose ou la logique de l’absurde

La première drôlerie de ce dessinateur, né en 1917, est d’avoir converti en 1946 son patronyme Depond en Mose. A partir de cette date, ce Moïse de Loire-Atlantique (il en a la barbe) devint le prophète d’une nouvelle ère du dessin humoristique français, disputant la suprématie dans cette discipline aux Anglo-Saxons, maîtres du terrain avec leurs Steinber, Soglow, Thurber, Chas Addams. L’humour français avait eu de beaux jours au début du siècle avec Jossot, Willette, Veber et Grandjouan, de L’Assiette au beurre, puis s’était délité pour gagner les abîmes de la bêtise.

Il est coutume de dire qu’avec Mose — et aussi Chaval et André François, sans oublier Maurice Henry, leur aîné — le dessin français devint intelligent. Pendant longtemps l’humour graphique se suffisait d’une représentation imagée banale, assortie d’une légende plus ou moins drôle, si bien qu’on ne pouvait attendre aucun miracle de ce produit bâtard, le dessin étant aussi éloigné de l’art que la légende l’était de la littérature. Au dessin bavard et lourd de ses prédécesseurs, Mose opposa un esprit nouveau, procédant d’un comique basé sur le saugrenu, le cocasse et l’absurde et une forme dessinée et absolument muette.

Le dessin sans légende avait bien été inauguré par Crafty en 1900 et prolongé par Caran d’Ache et A. Guillaume, mais c’est après une longue éclipse, avec Mose et ses compagnons de route, qu’il commença une seconde carrière.

On oublie souvent de rapprocher ce renouveau que Mose apporta à l’esprit du dessin français de l’apparition d’un théâtre de même groupe sanguin que proposaient à la même époque Ionesco, Beckett et Adamov. L’oeuvre de Mose, à mon sens, est à l’image de La Cantatrice chauve et de Godot, le produit de l’angoisse contemporaine, de tout ce qui menace la personne d’aliénation. Elle est la manifestation d’une révolte, l’accusation d’un monde en délire, bête et méchant, et aussi dangereux. L’humour, avec Mose, n’est plus un exercice de tourlourou, sa recherche a pris de la sève du côté de Cros, d’Allais et de Jarry, est passée par les laboratoires du surréalisme.

La logique de l’imagination de Mose, aussi farfelue qu’elle paraisse, ne se départit pas d’un sens profond de la philosophie.

Après avoir été à l’origine des premières incursions de la grande presse dans le dessin humoristique avec Samedi-Soir, Paris-Match et France-Dimanche, grâce à Raymond Castans, après avoir été de tous les baptêmes de collections que des éditeurs hardis ont enfin ouvertes à cet art nouveau et servi de référence à toute la jeune génération (Desclozeaux, Folon, Gourmelon, Puig-Rosado, Siné, Topor, Wolinski, etc.), Mose a glissé du dessin vers la peinture.
Mose incorpore un élément déconcertant qui me rappelle le « gag » de ses dessins d’antan. On pourrait alors songer au surréalisme si le jeu ici n’était pas gratuit mais le fruit d’un mécanisme de pensée porteur d’un discours intérieur, c’est-à-dire, pour parler simplement, que Mose, comme dans ses créations dessinées, malgré l’insolite de la vision immédiate, nous raconte encore, par-derrière, quelque chose.

Jean L’Anselme

texte extrait du catalogue de l’exposition au musée des monnaies.

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