Exposition Maja

Daniel MajaUN FABULISTE SANS MORALE

du 11 décembre 2008 au 21 février 2009

Chaque dessin de Daniel Maja constitue une fable dont il manque… le texte et la morale. Probablement il sait, lui, l’artiste, quelle histoire se cache derrière chaque œuvre, et quelle conclusion s’impose. Du genre : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Ou bien : « Notre ennemi c’est notre maître ». Ou encore : « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». Peut-être aussi l’ignore-t-il. Mais sa main droite le sait si sa gauche l’ignore.

Daniel Maja, c’est Esope muet, Phèdre silencieux, La Fontaine mutique, Florian aphone. Mais également Zeuxis bavard. Zeuxis, c’est le peintre de l’antiquité grecque qui abuse les oiseaux par la vérité de son trait et confond le picoreur avec des raisins plus vrais que nature : il peint des raisins qui sont des raisons plus vraies, plus vraies que nature. Chacun de ses dessins raconte donc la raison poïétique, pas poétique, non, mais poïétique, autrement dit : la raison dans sa capacité à produire – la raison pure, fille de l’imagination la plus impure. Il traque la bête que chevauche l’imaginaire lancé à plein galop.

Voilà pourquoi presque partout dans son monde doucement halluciné on trouve des animaux, des bêtes, un bestiaire dans lequel l’animal n’est pas qui l’on croit, l’humain non plus, donc. Un mélange truffé de chimères, rempli de tendres monstres, dans lequel passe parfois l’ombre de Granville et toujours l’âme du fabuliste.

Visitons le zoo : un oiseau dont la cage thoracique est un orgue de barbarie avec jambes humaines ; une femme enlacée dans une danse avec un âne aux jolies chaussures, sanglé dans un beau costume ; un cheval penché vers un miroir ; une femme au long bec emmanché d’un long cou ; la course à l’abîme du squelette d’un cheval chevauché par Pulcinella ; un éléphant tel un bâtiment de Venise ; un chat fuyant les ectoplasmes ; l’attelage d’un porc et son maître dont chacun tire dans une direction opposée ; un satyre qui joue aux dés ; un crocodile terrassé par un prélat ; un rhinocéros mené en laisse par le bout du nez ; un lapin combattant une femme avec sa lance et son bouclier ; un paon se pavanant au son d’un accordéon ; un chat faisant de même au son d’une flûte jouée par un géant ; un pivert prisonnier de son bec, fixé, figé, immobilisé dans un palmier ; un cerf sur une jetée et bien d’autres banalités. Car, chacun en conviendra, ces petits spectacles remplissent le quotidien. Qui n’a jamais rencontré, en effet, un homme portant un âne sur son dos croisant son semblable chargé quant à lui d’une tour ?

Ces énigmes saisissent le temps du dessin, autrement dit de l’éternité si l’on sait en prendre soin, elles figent un fragment d’imaginaire, un bout de poésie, un morceau d’inconscient, un lambeau du temps des rêves, des bribes d’histoires de bêtes et de gens, d’architectures et de situations baroques. Elles sont les énigmes de l’inconscient. Or tout inconscient ressemble à celui de son voisin – moins le contenu…

Daniel Maja propose de visiter les songes et les rêves, les labyrinthes de l’âme et les couloirs d’une mémoire sans contraintes, libre, libérée, comme l’expérimente l’enfant un jour sans instituteur ou une après-midi d’école buissonnière. Cette visite accomplie, on comprend que le dessinateur parle comme Esope, sauf qu’il se tait…

Michel Onfray

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